Accueil > Actualités > Actualité des langues > PORTRAIT : "Présenter mon pays, ma culture, est une mission"

PORTRAIT : "Présenter mon pays, ma culture, est une mission"

PORTRAIT :

Installé en France depuis plusieurs années, Gunbadrakh Ryenchinkhorol met un point d’honneur à faire découvrir son pays et sa culture, tout en se réinventant sans cesse. Portrait d’un Mongol aux multiples casquettes qui a choisi Toulouse pour lieu de résidence.

Aux yeux de nous autres Occidentaux, la Mongolie n’est rien d’autre qu’une contrée lointaine quelque part au Nord de la Chine et qui fut autrefois la terre d’un peuple guerrier et conquérant, celui de Gengis Khan dont le règne s’étendit bien au-delà des frontières mongoles. Une vision largement influencée par le cinéma hollywoodien qui n’hésite pas à confondre les Mongols avec les Huns d’Attila. Mais que savons-nous vraiment de ce pays, de ses traditions, et de son histoire ? Bien peu de choses en vérité, et c’est pourquoi Gunbadrakh Ryenchinkhorol et ses camarades de l’association Esprit Mongol multiplient les actions culturelles pour nous faire découvrir leur patrimoine. Comme le dit Gunbadrakh, « présenter mon pays, ma culture, notre savoir-faire, l’écriture, l’histoire, l’archéologie, etc., est une mission. » C’est pour ça qu’il s’est notamment lancé dans l’animation d’ateliers de calligraphie, un art auquel il s’est formé en Mongolie auprès d’un maître à l’École des Beaux-Arts locale et auquel il n’a pas cessé depuis de s’exercer. Lorsqu’on lui demande ce qui différencie la calligraphie mongole de la calligraphie chinoise, il rappelle que les systèmes scripturaux mongol et chinois diffèrent considérablement. « Nous utilisons un alphabet. En chinois, ils utilisent des idéogrammes. Ce n’est pas la même langue, ce n’est pas la même écriture. En calligraphie mongole, nous écrivons de haut en bas et de gauche à droite, et il y a plusieurs lettres. » Aucun risque donc a priori de confondre le mongol avec le chinois. De fait, il existe plusieurs systèmes d’écriture en Mongolie, le plus récent étant une version légèrement modifiée de l’alphabet cyrillique. Mais la calligraphie que Gunbadrakh pratique fait appel, elle, au mongol bitchig, ou écriture mongole traditionnelle, qui comporte trente-cinq lettres. Celle-ci date du Ve ou VIe siècle, et est devenue le système scriptural officiel dans toute la Mongolie à partir des XIIe-XIIIe siècles, à l’époque de Gengis Khan.

« Ce n’est pas par hasard. Il y a des liens. »

Pour Gunbadrakh, qui est archéologue de formation, s’approprier cette calligraphie ancienne et la mettre en avant, c’est aussi plonger dans le passé de la Mongolie car cela demande de faire certaines recherches. Il y voit donc un prolongement de son parcours d’archéologue. « Je suis spécialisé dans la période antique et j’ai travaillé plus particulièrement sur la tombe aristocratique. En Mongolie, la période antique correspond au premier Empire des steppes, celui des Khunnu, à l’origine du peuple mongol. » Le règne des Khunnu, plus connus en France sous leur dénomination chinoise Xiongnu, dura cinq siècles. De nombreuses inconnues demeurent concernant leur origine et certains pans de leur civilisation, d’autant que leur histoire nous est surtout connue à travers les écrits chinois, abondant en littérature épique relatant les affrontements entre Khunnu et généraux chinois. Pendant les années 1990 et 2000, les recherches archéologiques se sont plus particulièrement concentrées sur les sites d’Egiin Gol et de la nécropole aristocratique Gol Mod. Au cours de ses études, Gunbadrakh a ainsi participé à de nombreux chantiers de fouilles, et a notamment été stagiaire à la mission archéologique française. Ceci explique sa décision de venir s’installer en France pour poursuivre ses études et pour travailler. « J’ai continué à apprendre le français quelques mois à l’Alliance Française de Toulouse mais c’était un peu trop cher donc j’ai arrêté. Après j’ai travaillé dans plusieurs sociétés privées dans le domaine de l’archéologie, où ce que j’ai fait en Mongolie m’a beaucoup aidé. » Il a entre autres collaboré avec la société HADÈS, un bureau d’investigations archéologiques qui réalise des missions d’expertise, d’étude, de valorisation et de fouilles de sites et monuments, ainsi qu’avec Archeodunum, spécialisée dans l’archéologie préventive.

Aujourd’hui, il se prépare à de nouvelles aventures professionnelles en se formant aux métiers de l’immobilier à l’Université Paul Sabatier. « Quand j’ai travaillé en France en tant qu’archéologue, j’ai beaucoup travaillé sur les châteaux du Moyen Âge. Du coup, j’ai rencontré de nombreux professionnels. J’ai notamment collaboré avec des architectes sur les châteaux, comment ils sont construits, pour quelle raison, etc., etc. Et puis en Mongolie, comme je l’ai dit, j’ai travaillé sur les tombes aristocratiques, c’est aussi très architectural, il y a un tombeau, plusieurs chambres,… Du coup, le travail d’architecte m’intéressait aussi, et j’ai fait un stage dans un bureau d’architecte. Tout ça, ça collait, et j’ai l’impression que ce n’est pas par hasard. Il y a des liens. » Ainsi après l’archéologie, l’histoire ancienne, et la calligraphie, Gunbadrakh se plonge dans l’univers du droit de construction, de la gestion de bâtiment, et autres joyeusetés, tout en y voyant une continuité avec ce qu’il a fait précédemment.

« J’aime écrire. »

Ceci ne l’empêche pas de poursuivre ses activités culturelles au sein d’Esprit Mongol. Fondée en 2010 et toujours présente au Forom des langues du monde, l’association n’est pas prête de disparaître, d’autant plus qu’elle a créé un partenariat durable avec le musée Georges Labit, spécialisé dans l’art asiatique, à Toulouse. Régulièrement, des expositions, des conférences et des ateliers divers (calligraphie, cuisine, écriture, cours de langue mongole) sont organisés en collaboration avec le musée. En novembre 2015, le partenariat a même abouti à une manifestation de deux jours : les journées culturelles de la Mongolie, à l’occasion du 50ème anniversaire des relations diplomatiques franco-mongoles. Les visiteurs ont ainsi pu assister à la projection d’un documentaire sur la Mongolie, suivie d’un débat, à la démonstration d’un montage de yourte, à des spectacles traditionnels, notamment de danse et de musique, ou encore ils ont pu écouter des contes mongols et prendre part à des ateliers de chant et de cuisine, et bien sûr découvrir Gunbadrakh en action dans une démonstration de calligraphie. Pour marquer ce 50ème anniversaire des relations diplomatiques franco-mongoles, Gunbadrakh a également publié un guide de conversation franco-mongole, disponible à la fois en France et en Mongolie. Ce guide comble un vide, comme l’explique Gunbadrakh. « J’ai rencontré des Français qui voulaient partir en Mongolie pour les vacances ou autre chose et ils me demandaient s’il y avait un guide pour parler mongol, et il n’y en avait pas. » Ce n’est désormais plus le cas.

« J’aime écrire, » dit-il par ailleurs. Et pour preuve, il vient de sortir un nouveau livre, cette fois à l’attention des étudiants mongols désireux de poursuivre leurs études en France. Le lancement de l’ouvrage a eu lieu début septembre à l’Alliance française de Mongolie. Sa rédaction est le résultat d’un long travail démarré en 2013 afin de balayer toutes les questions que se pose toute personne désireuse d’étudier en France, de la définition du projet d’étude à l’obtention d’un stage ou d’un emploi, en passant par toutes les démarches administratives et pratiques à effectuer une fois sur place. Le guide contient également en annexe la liste des universités et établissements d’enseignement supérieur français ainsi que divers liens pour en savoir plus sur la France et pour orienter la recherche d’un logement ou d’un travail. Pourquoi un tel ouvrage ? Tout simplement parce que Gunbadrakh recevait régulièrement sur sa page Facebook des messages de compatriotes souhaitant poursuivre leurs études en France. Répondre à chacun d’eux devenait de plus en plus chronophage, et il semblait donc plus que pertinent de faire un livre qui rassemble toutes les réponses aux questions que ces derniers se posaient. Une fois encore il s’agit de combler un vide, et Gunbadrakh s’est acquitté de cette tâche avec plaisir et sérieux.

Archéologue, artiste calligraphe, écrivain, et peut-être bientôt évoluant dans le secteur de l’immobilier, Gunbadrakh a plus d’un tour dans son sac. Et quoi qu’il arrive, il continuera à œuvrer pour l’amitié franco-mongole en promouvant, avec ses camarades bénévoles d’Esprit Mongol, sa culture en France et en Europe.

 

Propos recueillis par Viviane Bergue

 

Pour obtenir le Guide de conversation franco-mongol de Gunbadrakh Ryenchinkhorol :  http://guncalli.blogspot.fr/2015/04/guide-de-conversation-francais-mongol.html 

Autres actus des langues


L’apprentissage du français dans la loi asile et immigration : vives inquiétudes des associations

Reprenant l’analyse du collectif national Le français pour tous, le CAFT, le...

Lire la suite


Glottophobie | Tout savoir sur cette discrimination méconnue

La glottophobie, au même titre que l’homophobie ou la xénophobie, doit être...

Lire la suite

Sauvons le Goethe Institut de Toulouse !

En plein été, l’annonce de la fermeture du service linguistique de l’institut...

Lire la suite

Le forom des langues revient le 19 juin !

Le 28ème Forom des Langues du Monde aura lieu ce dimanche 19 juin, place du...

Lire la suite

La Semaine franco-allemande a commencé !

Du 19 au 31 janvier la Semaine franco-allemande revient à Toulouse avec de...

Lire la suite

Le Forom des langues du monde revient le 10 octobre !

Le 27 ème Forom des Langues du Monde aura lieu ce dimanche 10 octobre. Ce...

Lire la suite

MéliMélangues, association linguistique ariégeoise

Une nouvelle association vient de voir le jour en Ariège et propose déjà de...

Lire la suite

"Les langues mortes sont-elles vivantes ?"

Dans le podcast "Parler comme jamais", Laélia Véron reçoit trois enseignants...

Lire la suite